Indemne de culture  artistique, préservé de références académiques, Jean BORDES a, toute sa vie durant, exécuté des ouvrages avec la seule  force de l’invention.S’il a  pu avancer  sans entrave, dans sa singularité démunie… «  Jusqu’au  bout du quai », c’est avec la protection bienveillante  et permissive d’Henri & Marinette. Ce couple sans enfant a  respecté, sous le regard tolérant certes, mais souvent  dubitatif, parfois  taquin des  villageois, le quotidien  répétitif, l’énergie  obstinée, l’accumulation encombrante  de ses  créations improbables…, ces deux-­‐là ont constitué « un  petit abreuvoir pour celui  que le langage  a déserté ».
Ainsi, tel  un oiseau captif en dehors de sa cage,  Jean Bordes,  dit Jean  de Ritoù  à Augirein, devenu à  Galey le pec de Matiloun a  pu s’exprimer sans attache, suggérant simplement, que la vie  de chaque homme est, à  son insu, comme un poème  écrit par le destin.  Le hasard d’une rencontre en est  souvent l’expression.
Un jour,  venu d’Orgibet, un sculpteur  de formes suggérées et de visages entrevus remontait  le cours  du Louzadech, c’est alors que le regard aiguisé de ce promeneur, cet  orpailleur de l’inattendu, Jano,  en quête  de bois dormants, a distingué, sous une clarté artistique,  ces amas innominés, ces empilements et concrétions  inutiles que  nous, nous côtoyions  amusés, inquiets, au mieux, indifférents. 
Ultérieurement adoubé par les pionniers de l’Art  brut, qui consacrèrent la valeur muséale  de ses  réalisations, Jean de Ritoù, est  demeuré, indifférent  à l’écume des jours.   Cette histoire, encore à  portée de nos mémoires vivantes,  bâtie sur du concret  élémentaire, sur  le remploi  de rebuts,  les restes de restes, s’est déroulée en un temps révolu où la nécessité et le besoin rendaient  les hommes spontanément solidaires. Jean Bordes continue de nous enseigner. Par son seul souvenir,  avec humilité,  à l’image de sa silhouette furtive  et diaphane, nous apprenons que la dignité de tout homme réside dans le respect inconditionnel de son être.