Au début des années 80, lorsque je montais à Galey, je rencontrais souvent vers le pont du Louzadech, un petit homme au corps d’adolescent efflanqué, « embotté » d’une drôle de façon, avec toujours un petit chargement de choses diverses, un « sauvageon » sorti de nulle part.

C’était Jean de la maison de Matiloun.

A l’entrée du village, une fermette qui avait dû être belle autrefois comme le laissait paraître le bâti traditionnel local fait de belles pierres d’angle et d’ardoises à pureaux.

Mais, le désordre qui régnait dans cette cour, l’amoncellement d’objets divers, le manque d’entretien flagrant, faisaient que Maupassant aurait pu en écrire un roman s’il était passé par là. Et puis un jour, les vieux volets se sont fermés, la nature a repris totalement ses droits, la cour s’est figée de ce qui faisait la vie et les chats sauvages ont pris possession des lieux pendant de longues années.

Un matin de novembre, j’ai regardé cette maison peu plus longuement, j’y ai posé mon regard.

J’ai tourné la vieille clé rouillée dans la serrure de la porte d’entrée et j’ai ouvert les volets. Je suis entrée dans l’intimité d’une famille pour en installer une autre.

Mes trois filles ont rempli la maison de leurs jeux et de leurs cris, et nous nous sommes mêlées au lieu que nous avons ranimé. La maison nous a raconté l’histoire, la terre nous a parlé, rejetant une boîte de sardines ou une roulette à chaque fois que je faisais un trou dans le jardin !

Nous l’avons baptisée, la Fabuloserie. Cette famille nous a accompagnés pendant 20 ans. Nous y avons vécu heureux.

Depuis peu, nous l’avons quittée pour aller vers d’autres chemins. J’ai apporté le lit de Marinette à Augirein au musée du XXè siècle, un simple retour dans son village d’origine, j’ai laissé la Vierge de Marinette dans la chambre.

Nous avons mis dans nos cartons l’âme de cette maison.

Ses nouveaux propriétaires vont maintenant la faire vivre autrement et c’est bien comme ça.

Patricia