Le camion de Raoul

C’était un enfant qui était à l’Assistance. Il avait été confié à Henri de Matiloun et à Marinette.Ils percevaient une pension qui leur faisait un petit revenu.

Henri venait chercher pour lui au garage des demi-bottes noires « des botillons » en caoutchouc de petite taille. Jean les remplissait de paille. Matiloun enlevait cette paille régulièrement et lui , il la remettait aussitôt. Il marchait tout le temps avec les pieds inclinés ; jamais à plat. Il faisait toute la route jusqu’au pont du Louzadech en tirant avec des ficelles des voitures qu’il construisait lui-même.

Quand on rentrait des foires, Raoul et moi, vers 3,4 heures de l’après-midi, il remontait et venait au garage. Raoul le mettait au volant et le faisait conduire. Jean était petit, Raoul était grand. Il s’asseyait à côté de lui sur la banquette et avait le pied aux pédales. Jean tenait le volant. Il était très content et très fier. Il riait. Raoul ça lui faisait plaisir de faire ça. Il rentrait, il reculait, il manoeuvrait le volant. Raoul était soit au milieu de la banquette, soit à gauche du volant. Raoul avait les jambes longues, il pouvait attraper les pédales. Moi , je les laissais faire et je remontais au village pour m’occuper des enfants que je n’avais pas vus de la journée. C’est Raoul qui l’appelait et il venait ou bien il nous attendait devant la porte du garage (c’était pas Narbonne mais c’était Galey !)

Les enfants du village, quand on était livrés , venaient chercher des cartons pour faire des cabanes dans les arbres, mais pas Jean, lui , il n’y avait que les voitures qui l’intéressaient, enfin tout ce qui roulait.

C’est Henri qui venait faire les commissions, jamais Marinette. Il buvait un peu. Marinette restait à la maison. Elle était très gentille. Elle venait parfois chercher des pantoufles au camion.

Henri allait souvent à Augirein .

Marinette aimait beaucoup Jean, c’était « son petit ».Quand Henri venait chercher les bottes, il disait qu’il venait acheter des bottes pour « le petit ».Pour Marinette c’était « son petit », pour Henri c’était « le petit »

Raoul , après la guerre, a connu chez lui un adulte placé qui s’appelait Pierre. Il faisait le jardin, maintenait le feu dans la cheminée. Raoul était habitué à voir des personnes « différentes », il a toujours été gentil avec les personnes handicapées. Autrefois, il y avait souvent des personnes handicapées, placées, ça leur faisait un revenu. Ils n’étaient pas tous bien traités.

Jeanine