Le jeudi de Pierre et Jean
Je l’ai connu parce que le mercredi, non le jeudi quand j’avais pas école et je gardais les vaches au Louzadech ou aux Balonguèses. Il venait me voir, il tirait un petit chariot. Il passait l’après-midi avec moi. Parler ? Ca me dit rien… Je pense pas qu’il discutait. Il faisait des signes. On arrivait un peu à se comprendre. Je ne parlais pas le patois, mes parents avaient interdit à ma grand-mère de me parler patois chez nous. C’est après que j’ai appris …
Il était très gentil, il aimait la présence. Henri et Marinette n’avaient pas trop le temps de s’occuper de lui. Il était toute la journée avec moi, pour l’heure du repas il partait.
Le matin, il allait à Orgibet au dépôt d’ordures à l’entrée du village du côté de Saint-Lary, ensuite il allait au dépôt d’Augirein, puis il remontait à Galey ; il repassait au dessous de la vigne, tout ça….il rentrait chez lui ; il avait son atelier, son dépôt quoi, vers le château, dans les ruines, dans le virage, il y a un petit Y, c’est là qu’il mettait ce qu’il ramassait .
Il avait l’habitude pour manger, il savait à peu près l’heure qu’il était, il arrivait à l’heure pour manger.
Les gens du village ne se moquaient pas de lui, même les vacanciers le connaissaient, non, ils se moquaient pas de lui.
Il vivait tranquille, on le laissait faire, il a été comme ça……
Il allait jusqu’au Campas, il ne passait pas par le village, il passait par-dessous au cimetière. Je l’ai jamais vu dans le village. Son coin, le Louzadech, la cour il entassait des choses, il y était aux heures des repas.
Ses jouets, il les fabriquait dans son atelier au-dessus du Château ; il devait prendre des clous à Henri !
Moi les objets, je les trouvais jolis, c’était des jouets, il me les aurait donnés , j’aurais joué avec…..
J’avais dix ans, j’ai des bons souvenirs , je le savais pas, l’âge qu’il avait, il a vu que je le repoussais pas, il me faisait un signe, je lui faisais un signe, du coup il est venu vers moi.
Mes parents, je ne sais même pas s’ils le savaient, je gardais les vaches et du moment que je rentrais avec c’était bon !
Moi, il m’aimait bien. Quand il pleuvait, on allait dans la grange d’Adrien au-dessus du pont du Louzadech. Il venait , on y passait des heures…
Ce qui a été le plus fort, c’est quand Henri et Marinette sont morts, quinze jours, trois semaines tous les trois sont morts. Quand même , quinze jours, tous les trois morts……quinze jours, trois semaines peut-être. Henri et Marinette étaient à Saint-Lizier à l’hospice, c’était plutôt un « miroir », j’y étais allé pour voir Gilbert, un vrai mouroir ! Jean était à Saint-Lizier, je sais pas où. Ils sont partis à peu près tous en même temps et ils sont revenus ……quinze jours, trois semaines, tout le monde mort et ils sont revenus à Galey.
Il a pu faire tout ce qu’il voulait ……
Quand Henri racontait, on pouvait que rire. A l’époque, il y avait une bonne équipe à Galey, Matiloun, Patache, Angèle, tout ça c’était des personnes qui aimaient rire. Chaque année, la sortie du village c’était le voyage scolaire, une année côté Atlantique, une année côté Méditerranée. Le village était vide ce jour là. Henri et Marinette venaient, Jean on le prenait pas mais il devait pas le savoir ……
Marinette s’en occupait pour le faire manger.
Il a eu une belle vie, pas de contrariétés, on le laissait faire. Il récupérait les boîtes de conserve, mais il n’y en avait pas beaucoup, les gens faisaient leurs conserves, Pierrot en vendait quelques- unes.
Il aimait une présence, chaque fois que j’allais aux vaches, il devait me voir passer devant chez lui, il entendait les cloches des vaches, il me rejoignait……..
J’ai un peu les larmes aux yeux en pensant à tout ça …….
Pierre